Théologie de la nouvelle alliance : Intro

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Notre compréhension du flot de l’histoire rédemptrice est absolument capitale, un nombre incalculable de doctrines et de pratiques seront conditionnées par la façon dont nous relions les différentes alliances bibliques. Débattre de façon isolée du baptême, du sabbat ou de la loi mosaïque est futile et hors de propos : ces questions dépendent toutes en première instance de notre grille d’interprétation globale.

Comment l’histoire rédemptrice est-elle organisée ? Comment progresse-t-elle au fil du temps ? Qu’est-ce qui relie les différentes étapes les unes aux autres ? Quels étaient les objectifs de chaque phase ? Y’a-t-il continuité et discontinuité ? Y’a-t-il diversité et unité ? Quels éléments sont permanents ? Quels éléments sont temporaires ?

Les divers systèmes théologiques s’attachent à répondre à ces questions et à défendre les conclusions doctrinales qui en découlent. Consciemment ou non, tous les chrétiens vont généralement adhérer à l’un ou l’autre système. La plupart des éléments prennent en effet la forme de disjonctions logiques : rejeter une affirmation, c’est adhérer automatiquement à sa réciproque. Aussi, même si l’on prétend naïvement « ne suivre aucun système » et qu’on se déclare contre le principe de systématisation, on se retrouve de facto aligné avec ce qu’affirme en substance l’une des positions existantes (sans nécessairement être en accord avec tous ses points de détails et sans connaitre ses subtilités). A moins de rejeter l’harmonie des Ecritures et leur inspiration (ou encore d’adhérer à des théologies mysticisantes), personne ne peut échapper à cette nécessité d’organiser les données de façon rationnelle : notre cerveau fonctionne comme ça naturellement. Au temps le reconnaître d’emblée et évaluer consciemment les différents systèmes plutôt que laisser les a priori de nos traditions sculpter indirectement nos positions.

Le cadre de compréhension des Ecritures présenté sur ce blog est celui de la Théologie de la nouvelle alliance (« New Covenant Theology »).

La Théologie de la nouvelle alliance (TNA) se place en opposition à la Théologie de l’alliance, aussi appelée théologie fédérale, et aux diverses formes de Dispensationalisme, bien qu’elle affirme certaines propositions des deux systèmes.

L’étiquette « Théologie de la nouvelle alliance »

On peut considérer la théologie de la nouvelle alliance par deux angles :

– Par les auteurs qui endossent ouvertement l’étiquette et qui développent une articulation bien définie de la position en tant que système à part entière (Fred Zaspel, John Reisinger, Steve Lehrer, Tom Wells, Blake White, Stephen Wellum, Peter Gentry).

– Par les théologiens qui organisent d’une façon similaire les alliances et autres données bibliques, sans forcément se réclamer officiellement du label (Douglas Moo, Thomas Schreiner, D.A. Carson, Jason Meyer, etc.). Si ces noms ne vous évoquent rien, sachez qu’ils figurent parmi les théologiens conservateurs les plus reconnus actuellement. La TNA se trouve en accord total avec leur compréhension du métarécit biblique et leurs exégèses relatives aux alliances, à la loi mosaïque ou encore au statut d’Israël dans la nouvelle alliance. Le fait que des théologiens aucunement associés au système arrivent à des conclusions identiques (et indépendamment les uns des autres) est un argument de poids pour ce qui est de la validité des formulations théologiques avancées par la TNA. Chacun d’eux présente évidemment les choses avec des nuances différentes, mais les grandes lignes théologiques sont les mêmes pour les sujets concernés.

Continuité et discontinuité

Pour résumer grossièrement, on peut dire que la théologie de l’alliance (TA) souligne la continuité du métarécit biblique, aux dépens de la discontinuité apparente de sa progression (en minimisant ce qui distingue les différentes alliances). Le dispensationnalisme (DSP) accentue quant à lui la diversité dans le plan divin, aux dépens de la continuité et de l’unité de l’histoire rédemptrice (en voyant en Israël un peuple éternellement distinct à la fonction eschatologique particulière). De son côté, la TNA prend en compte la continuité de l’histoire rédemptrice sans sacrifier la discontinuité de sa progression.

Caractère progressif du plan de rédemption

Le cadre de compréhension de la TNA peut être défini de la façon suivante :

Un plan de rédemption unique, progressivement déployé à travers l’Ecriture via une série de promesses et d’alliances successives trouvant leur accomplissement final en Jésus-Christ et la Nouvelle Alliance.

TA et DSP affirmeront cette définition, mais elles ne le feront seulement qu’en surface. Les deux systèmes passent en effet chacun de leur façon à côté du caractère progressif du plan de Dieu prophétisé à Satan dans Gen 3:15 et lancé par la promesse faite à Abraham :

– Le DSP introduit des distinctions radicales et ignore toute continuité là où l’Ecriture présente une simple progression dans le plan de rédemption. Le DSP manque la notion qu’Israël n’est qu’une étape dans un plan de salut unique et non une entité spirituelle éternellement distincte. Les théologiens du camp dispensationaliste peinent à réunir l’Israël de l’AT et l’Eglise, et ne saisissent pas que l’Eglise est le véritable Israël de Dieu : l’accomplissement de la promesse faite à Abraham.

– De son côté, la TA tend à négliger l’aspect progressif des écritures en fabriquant une continuité artificielle là où la Bible présente des distinctions évidentes. La TA postule ainsi la notion réductrice d’une alliance unique englobant toute l’histoire rédemptrice (l’alliance de grâce), dont l’alliance mosaïque et la nouvelle alliance ne seraient que des administrations partageant la même substance et la même nature. Les théologiens de l’alliance gomment ainsi ce qui distingue L’Eglise de L’Israël de l’AT et ne parviennent pas à les dissocier. La TA n’accepte pas que l’Eglise en tant que corps de Christ puisse ne pas exister dans l’AT.

– La théologie de la nouvelle alliance accorde une place prépondérante à la promesse faite par Dieu à Abraham et considère que l’alliance abrahamique fournit le cadre de compréhension de toute l’histoire rédemptrice qui s’ensuit. La TNA voit l’AT entier comme la concrétisation progressive de la promesse et le NT comme son accomplissement final.

Récentes évolutions du dispensationalisme et de la théologie de l’alliance

De nombreux partisans des deux camps, déterminés à prendre l’Ecriture comme fondement, se rendent compte que leur système n’est pas totalement en accord avec certaines données scripturaires et qu’ils doivent affirmer certaines positions du camp opposé.

Les deux systèmes ont ainsi connu certaines évolutions depuis le siècle dernier. Le dispensationalisme est désormais décliné dans ses variantes classique, révisée et progressive tandis que la théologie de l’alliance a récemment vu l’avènement d’une formulation spécifiquement baptiste, inspirée des positions de John Owen et Nehemiah Coxe.

En pratique, ces récentes variantes convergent toutes d’une façon ou d’une autre vers les points défendus par la théologie de la nouvelle alliance, en prenant davantage en compte le caractère progressif du plan de rédemption. Ces modifications conservent toutefois les présuppositions clés du système duquel elles découlent et ne parviennent pas à s’affranchir d’erreurs déterminantes.

Comme son nom le laisse deviner, le dispensationalisme progressif accorde désormais beaucoup plus d’importance à l’aspect progressif du plan de salut. La position continue toutefois de passer à côté du caractère typologique de l’Israël de l’AT en séparant Eglise et Israël et en attribuant un statut distinct aux juifs ethniques.

La variante baptiste « fédéraliste » de la théologie de l’alliance ne voit plus dans l’alliance mosaïque une simple administration de l’alliance de grâce et défend l’idée que celle-ci était de substance différente. Par ailleurs, Israël n’est plus considérée comme « L’Eglise dans l’AT » mais comme une figure typologique et une étape du plan progressif. Malheureusement, l’attachement dogmatique au concept d’alliance de grâce comme principe structurant les force à postuler un enchevêtrement d’alliances dans l’AT pour le moins alambiqué. Cette déclinaison adopte également la perspective de la théologie de l’alliance vis-à-vis de la Loi morale.

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