TNA : La question de l’herméneutique


Différences herméneutiques avec le dispensationalisme

Ce qui sépare le dispensationalisme de la théologie de la nouvelle alliance est avant tout une question d’herméneutique.

La TNA considère que les révélations postérieures illuminent les révélations antérieures et leur donnent tout leur sens à l’intérieur de ce plan de salut progressif. L’écriture est plus qu’une simple collection de faits et de propositions, c’est un scénario organique, une intrigue se développant de façon graduelle. En conséquence, les conclusions globales doivent être obtenues en prenant compte du canon entier, en prenant les dernières révélations comme le paradigme par lequel interpréter l’Ecriture. C’est donc au NT de nous montrer en quoi l’AT trouve son accomplissement en Christ et la Nouvelle Alliance (voir également cet article).

Par ailleurs, les formulations théologiques doivent être dérivées exégétiquement de l’ensemble de l’Ecriture : l’exégèse grammatico-historique est à placer dans le contexte du canon entier. En pratique, un texte en particulier n’est pas seulement interprété selon le contexte immédiat, mais également selon le contexte canonique, avec une priorité logique donnée au NT. Ça ne signifie pas pour autant que la TNA minimise les distinctions présentées comme telles dans le contexte de l’AT ou qu’elle effectue des connexions artificielles; les figures typologiques affirmées sont uniquement celles explicitement (ou implicitement) identifiées comme telles par les révélations ultérieures.

Notons que cette position n’est pas arbitraire, c’est l’exégèse de données du NT lui-même qui nous fait adopter cette herméneutique particulière (en particulier Galates, Romains et Hébreux). L’herméneutique employée par la TNA est informée par le canon lui-même et non par des considérations externes.

La TNA défend l’idée que le modèle promesse/accomplissement (déployé à travers une suite d’alliances interconnectées) est le motif que l’Ecriture elle-même présente. Nos interprétations doivent donc suivre ce schéma de compréhension pour mettre en lumière les relations existant entre les éléments antérieurs et ultérieurs de la révélation progressive.

Précisons ce qu’on entend par « typologie ». Une typologie est un événement, un personnage ou une institution préfigurant de façon symbolique une réalité future. Un type est par nature temporaire, passager et n’a pas en lui-même son propre référent final (exemple : le système sacrificiel). Une typologie n’est pas une simple allégorie arbitraire, les typologies présentées comme telles par l’Ecriture ont été entièrement ordonnées par Dieu et révélées à un stade ultérieur de la révélation.

Les théologiens du courant « dispensationaliste progressif » (Feinberg, Bock, Blaising) ne sont pas opposés à l’herméneutique présentée ci-dessus mais défendent l’idée que c’est la révélation la plus claire sur la question qui doit avoir la priorité logique (donc l’AT). Les promesses destinées à Israël ne faisant pas l’objet d’un traitement détaillé dans le NT, on ne doit les réinterpréter en se basant uniquement sur la nature de la nouvelle alliance. Par conséquent, les inférences effectuées par les théologiens de la TNA sont considérées comme illégitimes. Le rôle d’Israël n’est pas considéré comme étant fondamentalement redéfini, contrairement à la TNA. Certaines figures typologiques temporaires sont ainsi envisagées au premier degré au lieu d’être vues pour ce qu’elles sont : des préfigurations de vérités supérieures, intégralement accomplies dans la nouvelle alliance.

Nos présuppositions directrices dépendent dans une large mesure sur la section de l’Ecriture à laquelle nous attribuons une antériorité logique, or le DISP prend l’AT comme une première étape distincte sans se référer suffisamment au témoignage du NT dans son interprétation.

Différences herméneutiques avec la théologie de l’alliance

De son côté, la théologie de l’alliance (TA) s’appuie sur le concept structurant de l’alliance de grâce pour organiser et interpréter l’ensemble des données bibliques. Les théologiens de la TNA estiment que cette notion est une construction théologique arbitraire a priori qui ne provient pas de l’Ecriture elle-même. Notre inclinaison à vouloir trouver absolument une structure logique ne doit pas nous aveugler et nous faire reposer sur des principes directeurs qui ne sont pas directement dérivables de données scripturaires explicites (et qui conditionneront pourtant toutes nos interprétations).

Cette matrice structurante qu’est l’alliance de grâce impose en effet des interprétations qui brouillent la frontière séparant les deux alliances et gomme certaines distinctions pourtant incontournables dans le témoignage biblique.

La TNA considère que toutes les présuppositions de base doivent être déduites de textes bibliques spécifiques. Les théologiens de la nouvelle alliance estiment que les données doivent bâtir d’elles-mêmes le cadre d’interprétation, ce ne sont pas des constructions a priori ou un quelconque principe unificateur non explicitement exposé dans l’Ecriture qui doivent l’ériger. En d’autres termes, le système doit se construire lui-même, en partant uniquement des exégèses bibliques et en interprétant systématiquement l’AT à la lumière du NT.

Les variantes de la théologie de l’alliance acceptent parfois de se baser sur une logique dérivative plutôt que sur des versets explicites. Faire dériver des concepts structurants à partir de données implicites situées en arrière-plan de versets est considéré comme étant valide, légitime et biblique (par exemple, les alliances théologiques que sont l’alliance de grâce et l’alliance des œuvres, la division tripartite de la loi mosaïque, le concept de « loi morale » formelle et universelle contenue dans le décalogue, etc.). La TNA rejette tout concept non explicitement tiré des Écritures et non défendable directement par un verset dont l’exégèse est incontournable et sans équivoque (et qui traite du sujet en question au premier plan, pas implicitement). La TNA est davantage une synthèse d’exégèses, avec la compréhension de l’histoire rédemptrice qui en découle. La position s’efforce d’utiliser le langage des écritures dans ses formulations théologiques et considère que notre théologie doit être fondée sur des exégèses de textes bibliques et non dans les formulations d’une tradition.

L’herméneutique de la théologie de la nouvelle alliance en bref

  • La Bible n’est pas une collection de faits et de propositions isolés, elle présente une intrigue organique dont le sens final est révélé dans les dernières révélations
  • Les révélations ultérieures interprètent les révélations antérieures
  • L’AT, sans sa totalité, est interprété avec comme point de mire son accomplissement en Jésus-Christ et la nouvelle alliance
  • Cette herméneutique découle directement de l’exégèse de passages du NT (pas une conception arbitraire)
  • L’AT dans sa totalité (la Loi, les Psaumes et les Prophètes) a une portée prophétique et typologique, il annonce et anticipe l’accomplissement de la promesse par des préfigurations

2 Commentaires

  1. Merci pour cette bouffée d’air frais. Demain après-midi, à l’Église Baptiste Évangélique de Rosemont à Montréal, nous recevons Dr.Douglas Moo qui exposera la relation entre les Testaments dans une optique de la TNA.
    Y a-t-il d’autres écrits en Français de cette magnifique Théologie que, pour l’instant, les Carson, Blocher et même Moo semblent ne pas vouloir promouvoir ouvertement?

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    1. Jonathan Sinclair · · Réponse

      Bonjour René,

      À ma connaissance, il n’y a absolument rien en français malheureusement.

      Mais c’est simplement dû à un manque de visibilité.

      Je pense que si l’on soumettait un questionnaire aux évangéliques francophones sur ces points théologiques précis, la majorité de ceux qui restent à distance de l’israëlomania et qui ne sont pas non plus attirés par le dogmatisme de la théologie de l’alliance se retrouveraient de facto alignés avec la TNA. Il n’y a vraiment rien d’inédit ou d’extravagant dans les points défendus.

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