Objection n°1 : L’accusation d’antinomisme

L’une des objections principales adressées à l’encontre de la Théologie de la nouvelle alliance (TNA) par les partisans de la théologie de l’alliance (TA) est sans aucun doute l’accusation d’antinomisme (littéralement: « être sans loi »).

Puisque la TNA soutient que les chrétiens ne sont plus soumis à la loi mosaïque (dans sa totalité) et que les 10 commandements ne constituent pas cette hypothétique « Loi morale » formelle et perpétuelle, alors on objecte que la TNA laisserait les chrétiens livrés à eux-mêmes, sans règles morales objectives, et qu’elle encouragerait donc indirectement à la dissolution et à la débauche.

Or, ce qui distingue la TNA de la TA sur le sujet ce n’est pas la nécessité d’obéissance à des commandements moraux, à une « loi », mais uniquement l’identité et la nature de la loi à appliquer.

Cette accusation est donc à mon sens totalement illégitime et sans force. La TNA affirme, non pas que les chrétiens sont sans loi, mais qu’ils sont sous la loi de Christ et non sous la loi mosaïque.

L’un des versets établissant clairement cette assertion est 1 Corinthiens 9:20-21 :

Avec les Juifs, j’ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi (quoique je ne sois pas moi-même sous la loi), afin de gagner ceux qui sont sous la loi; avec ceux qui sont sans loi, comme sans loi (quoique je ne sois point sans la loi de Dieu, étant sous la loi de Christ), afin de gagner ceux qui sont sans loi. (LSG)

Quant à l’idée selon laquelle l’affranchissement de la loi mosaïque mènerait à la dissolution, Paul adresse cette réponse à ses hypothétiques détracteurs de Romains 6 :

Car le péché n’aura point de pouvoir sur vous, puisque vous êtes, non sous la loi, mais sous la grâce. Quoi donc! Pécherions-nous, parce que nous sommes, non sous la loi, mais sous la grâce? Loin de là! (LSG)

N’est-il pas quelque peu ironique de constater que l’accusation portée contre la TNA par les défenseurs de la TA est précisément celle réfutée par Paul dans ce chapitre et ailleurs ? On me rétorquera que la « loi » en vue dans ces deux passages correspond à la composante cérémonielle uniquement, et que la loi de Christ se rapporte à l’hypothétique loi morale contenue dans la loi mosaïque, mais inutile de rappeler que c’est justement ce que rejette la TNA : cette distinction arbitraire entre lois civile, morale et cérémonielle (qu’aucun auteur du NT ou de l’AT ne présente). La TNA reconnait qu’une certaine taxonomie pratique pouvait être effectuée entre lois à portée purement morale, lois en relation avec le système sacrificiel et lois « civiles », mais nous rejetons qu’une classification formelle puisse être faite, la loi est toujours considérée comme une unité parfaitement indivisible dans l’Ecriture.

Si le NT confirme l’abrogation de la loi mosaïque et que l’Ecriture n’effectue aucune distinction à l’intérieur de celle-ci, quelle est donc l’identité de cette loi de Christ ? Les interprétations à ce sujet par les partisans de la TNA ne sont pas monolithiques, mais on peut dresser la description qui suit.

La Loi de Christ est constituée :

– Des commandements et ordonnances de Jésus dans le NT (« aimer Dieu » et « aimer « l’autre comme soi-même » étant le coeur)
– Des injonctions du Saint-Esprit dans la vie d’un chrétien (côté plus expérientiel et subjectif)
– Des normes morales de base, intuitives et innées, déjà inscrites sur le cœur de tous les hommes (communes avec les commandements à portée morale de la loi mosaïque, d’où cette continuité organique entre loi mosaïque et loi de Christ)

La loi de Christ est censée imposer des prescriptions morales encore plus exigeantes (cf Sermon sur la montagne). Comment peut-on nous adresser cette accusation d’antinomisme puisqu’on affirme que la loi en vigueur est, d’une certaine façon, encore plus stricte que les commandements d’ordre moraux de la loi mosaïque ? Les partisans de la TA affirmeront que les antithèses du Sermon sur la montagne ne font que rétablir le sens d’origine de l’hypothétique loi morale, mais c’est évidemment un autre point contesté par les théologiens de la TNA.

La loi de Christ et la loi mosaïque étant des expressions de la même nature divine (à un stade particulier de la révélation et dans des buts distincts), il n’est pas étonnant qu’elles partagent un certain nombre d’impératifs moraux. Jésus et Paul font ainsi dériver de la loi mosaïque de nombreux commandements exprimant les mêmes principes moraux transcendants, sans toutefois prendre comme référent normatif. Cette possible dérivation de commandements particuliers ne signifie en aucun cas que la loi mosaïque puisse faire office de référent direct et immédiat pour le croyant sous la Nouvelle Alliance, cela témoigne simplement de leur relation de continuité organique.

Une autre objection reliée est que la TNA renie l’existence d’une loi morale en tant que transcription formelle et perpétuelle de la nature divine. Mais la TNA ne renie aucunement l’existence d’une Loi divine transcendante et éternelle, ce qui est rejeté c’est uniquement l’existence d’une transcription formelle encapsulée dans la supposée loi morale de la Loi mosaïque.

Pour terminer, on peut rappeler que la division tripartite de la loi (morale, cérémonielle et civile) est une innovation de Thomas D’Aquin datant du 13ème siècle et non le fruit d’une exégèse biblique. Les auteurs bibliques ne considèrent jamais la loi mosaïque autrement que comme une unité indivisible.

 

Pour terminer, le schéma ci-dessous résume l’ensemble des données :

Loi

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