Priorité interprétative du NT sur l’AT : brève défense


Selon nos amis dispensationalistes, le principe herméneutique selon lequel le NT devrait avoir la priorité interprétative sur l’AT n’est pas entièrement légitime.

L’interprétation systématique de l’AT à la lumière du NT est en effet perçue comme une sorte de dévaluation des enseignements de l’AT, surtout lorsque les prophéties à portée matérielle de l’AT sont interprétées de façon typologique. Ceux qui adoptent cette approche se rendraient ainsi coupables de ne pas tout à fait rendre justice à l’autorité de l’AT et à son statut d’Écritures inspirées.

Que répondre à cette critique ?

Je pense que la ligne de défense peut être résumée comme suit :

Le NT doit avoir une priorité herméneutique sur l’AT car c’est ce que le NT lui-même préconise, à la fois explicitement et par voie d’exemple.

Cette posture herméneutique est encouragée par les Écritures elles-mêmes plutôt qu’elle ne serait une notion arbitraire imposée de l’extérieur. Par ses diverses affirmations, le NT indique que l’AT a pour principale fonction de pointer typologiquement, celui-ci n’est pas une « fin en soi ». Les auteurs du NT attestent de cette herméneutique, par la façon dont ils traitent et interprètent systématiquement l’AT à la lumière de la nouvelle révélation en Christ.

Citons deux textes de Paul à ce sujet :

2 Corinthiens 3:14-16

Mais leur intelligence s’est obscurcie. Jusqu’à aujourd’hui en effet, le même voile reste lorsqu’ils font la lecture de l’Ancien Testament, et il ne se lève pas parce que c’est en Christ qu’il disparaît. Jusqu’à aujourd’hui, quand les écrits de Moïse sont lus, un voile recouvre leur cœur; mais lorsque quelqu’un se convertit au Seigneur, le voile est enlevé.

Logiquement, ce voile empêchant les pharisiens de saisir l’accomplissement typologique et spirituel n’est pas seulement à l’oeuvre pour certaines promesses messianiques, cet aveuglement s’applique à toutes les autres promesses de restauration faites à Israël.

2 Corinthiens 1:20

Pour toutes les promesses de Dieu, c’est en lui que se trouve le « oui »

Paul nous enseigne ici que toutes les promesses de Dieu trouvent leur accomplissement en Christ. Le NT ne divise pas les promesses en deux catégories — certaines accomplies en Jésus et d’autres dont la réalisation serait distincte de Christ. Par ailleurs, Jésus accomplit la loi et les prophètes dans leur intégralité (Matt. 5:17) et voyait sans doute l’AT dans son ensemble comme témoignant de lui (Jean 5:39).

L’AT n’est donc pas le simple dépôt de quelques prophéties messianiques spécifiques mêlées à d’autres promesses complètement distinctes, mais un corpus dont la substance même et la trajectoire convergent vers le Messie et trouvent leur accomplissement en lui. Le telos de l’AT dans sa totalité est Christ lui-même (et par extension la Nouvelle Alliance). Lire l’AT sans référence au NT, c’est donc faire fausse route. L’AT doit toujours être lu de façon christotélique.

Logiquement, les apôtres considéraient et interprétaient l’AT à travers ce même prisme ; ils faisaient une lecture exclusivement christotélique des promesses de l’AT. On le constate, par exemple, par leur silence assourdissant pour ce qui est des promesses d’ordre territoriales ou encore par leur application spirituelle et leur « universalisation » de celles-ci. C’est en partant de la simple observation de la façon avec laquelle le NT interprète les divers éléments de l’AT qu’émerge cette herméneutique. Le NT, par son désintérêt total des questions à portée matérielle et ses applications typologiques et spirituelles des promesses, montre par là la posture herméneutique à adopter.

Étant donné le caractère progressif de la révélation, et puisque Jésus en est la culmination, le NT est par nature supérieur, prééminent, et d’une plus grande clarté. En sa qualité de révélation finale, le NT doit avoir le premier et le dernier mot sur tous les sujets (même si c’est l’AT qui fournit le cadre et l’arrière-plan). Le NT aborde l’AT avec une priorité logique donnée à la révélation de Christ, aucune affirmation de l’AT touchant à l’histoire du salut n’est considérée de façon isolée ou sans application christotélique.

Notons également que les Pères ont globalement adopté cette même posture herméneutique. Quoi que l’on pense des exégèses allégoriques parfois excessives et illégitimes en vogue à partir du 2-3ème siècle, l’AT était résolument interprété avec Jésus, l’Eglise et la Nouvelle Alliance en ligne de mire.

Reconnaître l’AT comme autorité et Écritures inspirées ne signifie pas lire de façon littérale les promesses qui y sont consignées.

D’autre part, il ne s’agit aucunement de projeter l’ensemble de la théologie du NT dans l’AT mais seulement de suivre le modèle laissé par les auteurs du NT dans leur interprétation typologique des promesses faites à Israël ainsi que leur lecture christotélique de l’AT dans son ensemble. Comme preuve de ce respect réel de l’AT, je prendrais pour exemple ma position sur le sujet du contenu de la foi des Saints de l’AT : mon adhésion à cette herméneutique christotélique ne m’empêche absolument pas de considérer l’AT selon ses propres termes, sans y projeter des notions spécifiques à l’Eglise et au régime de la Nouvelle Alliance. L’accusation selon laquelle la lecture de l’AT à la lumière du NT reviendrait à y projeter toute la théologie du NT me semble donc illégitime.

Bref, en conclusion on peut dire que cette priorité herméneutique donnée au NT n’est pas arbitraire mais suit l’orientation du NT lui-même.

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