L’Évangile de nos jours (Scot McKnight)

Voici la traduction d’un article du théologien Scot McKnight (avec accord de l’auteur) au sujet de la définition de l’Évangile dans nos milieux évangéliques.


Aujourd’hui, la plupart des gens conçoivent l’Évangile comme suit : Dieu est notre créateur. Ce Dieu est amour et saint. Nous sommes faits à son image et avons péché. Dieu est donc à la fois pour nous et contre nous. Il a résolu ce dilemme en envoyant son Fils, Jésus, dans le monde pour mourir à notre place, subir notre châtiment et nous pardonner de nos péchés. Si nous croyons (certains ajoutent si nous nous repentons), nous serons réconciliés avec Dieu, pourrons vivre une vie transformée ici-bas et passerons l’éternité en sa présence.

Dans mon dernier livre The King Jesus Gospel: The Original Good News Revisited (L’Évangile du Roi Jésus : L’authentique Bonne Nouvelle réexaminée), je nomme la caractérisation ci-dessus l’Évangile « sotérien ». Le terme grec pour salut est soteria, et puisque cette version de l’Évangile est articulée sous la forme d’un plan de salut individuel, je l’appelle Évangile « sotérien ». Avant de m’atteler à ce sujet épineux, je voudrais d’emblée préciser que ces affirmations sont bibliquement justifiables et qu’elles font partie de ce que la Bible déclare au sujet du salut, mais…

Mon plus gros point de désaccord est que cet Évangile sotérien n’est pas ce que le Nouveau Testament désigne par « Évangile ». Il constitue seulement un élément de l’Évangile du NT et fini par totalement éclipser l’Évangile du Récit. Permettez-moi de développer.

Lorsque nous lisons les passages du Nouveau Testament décrivant l’Évangile, nous découvrons que cet Évangile sotérien n’est pas ce que le Nouveau Testament désigne par « Évangile ». Les textes bibliques clés sont 1 Corinthiens 15, où Paul affirme explicitement qu’il nous transmet le seul et l’unique Évangile apostolique ; ainsi que les sermons d’évangélisation que l’on peut trouver en Actes. Ceux-ci sont au nombre de sept (Actes 2, 3, 4, 10-11, 13, 14, 17) et je voudrais me focaliser sur deux d’entre (Actes 2 et Actes 10-11 — l’un à des Juifs et l’autre à des non-juifs). Le troisième endroit où identifier le sens de « l’Évangile » sont les Quatre Évangiles eux-mêmes. On les a appelés « l’Évangile selon… » et non pas « les Évangiles selon… » car ils constituaient l’unique Évangile connu.

L’Évangile sotérien et l’Évangile apostolique s’articulent dans un cadre très différent ; l’Évangile sotérien aborde tout sous le prisme de la doctrine du salut. L’Évangile apostolique formule l’Évangile en tant qu’Histoire d’Israël trouvant son accomplissement en la personne de Jésus le Roi (Messie) et Seigneur qui sauve. L’un formule les choses en tant que plan personnel salut ; l’autre considère l’Évangile en tant que Récit trouvant son accomplissement et culminant en Jésus le sauveur. Discutons un peu de l’Évangile Sotérien et de l’Évangile du Récit.

La différence entre les deux ne se résume pas à un choix entre Salut et Récit. Certains ont suggéré que la position exposée dans L’Évangile du Roi Jésus devrait être plus équilibrée. Vraiment ? Au contraire, c’est dans l’approche sotérienne qui se focalise sur le salut au détriment du Récit que se trouve le déséquilibre. Cet Évangile est absent de la description de 1 Cor 15, etc. alors que l’Évangile du Récit du Roi Jésus contient à la fois Récit et Salut, et correspond bien à ce que 1 Cor 15 nous enseigne… L’équilibre biblique peut seulement être rétabli en replaçant l’Évangile dans le cadre du Récit culminant en Jésus.

Soyons clair : les options sont (1) l’Évangile sotérien du Salut sans le contexte de l’Histoire d’Israël ou (2) l’Évangile du Récit duquel découle le salut. Autrement dit, le salut sans récit ou le Récit incluant le salut.  Laquelle des deux approches est la plus biblique ? C’est la seule question qui importe réellement. Tout ce que je demande c’est que vous jetiez un œil à l’Évangile décrit dans 1 Cor 15, dans les sermons d’Actes ainsi que dans les Évangiles et jugez s’il s’agit du même Évangile.

J’affirme que l’Évangile sotérien se résumant en 4 ou 5 points ne se trouve nulle part dans la Bible et que celui-ci élimine ou met en péril la place centrale qu’occupe le Récit dans l’Evangile décrit par les Écritures. Certes, ce Récit se trouve parfois ici et là, en passant, dans les discours d’évangélisation, mais cet Évangile sotérien n’est pas modelé par le Récit, il est plutôt centré sur le besoin d’un pécheur individuel de trouver le salut afin d’échapper à la colère divine.

J’insiste sur une chose : je ne parle pas ici de modifier légèrement ou de mettre à niveau l’Évangile sotérien en y ajoutant un peu de Récit. Je ne dis pas que l’Évangile sotérien aurait accidentellement négligé le Récit. Ce que j’ai à l’esprit, c’est plutôt une réorientation totale, une refonte de tout ce que nous faisons à travers l’Évangile du Récit, en accord avec 1 Cor 15, Actes et les Évangiles. Je plaide pour un changement de paradigme dans la façon de lire la Bible, de faire de la théologie et de penser l’Église, à la travers le prisme de l’Évangile authentique. Je prétends que cet Évangile sotérien n’est pas ce que le Nouveau Testament désigne par « Évangile ».

Lisez 1 Corinthiens 15 et posez-vous la question de ce que cela veut dire pour l’acte d’évangélisation.

Oui, je suis pleinement conscient que je propose peut sembler déroutant, mais quoi de plus sain pour l’église ? Recouvrer et se rassasier de l’Évangile biblique, centré sur le Récit du Roi Jésus, Seigneur et Sauveur, ou l’Évangile sotérien qui ne requiert même pas le contexte du Récit biblique pour le soutenir ?

L’Évangile sotérien est partout, je le trouve dans les présentations d’évangélisation habituelles, telles que les quatre lois spirituelles ou encore l’analogie du Pont, et je le trouve articulé dans le livre de Greg Gilbert, Qu’est-ce que l’Évangile ? (Editions Clé). Selon Gilbert, les quatre thèmes principaux de l’Évangile sont : Dieu est le créateur juste, l’Homme est pécheur, Christ est Sauveur, et l’homme répond par la foi et la repentance. De là découle le royaume et la sanctification, etc. Mais j’ai la conviction que cet Évangile sotérien n’est pas ce que le NT désigne par « Évangile ». Certes, le Salut découle de l’Évangile du Récit, mais le plan de salut personnel et l’Évangile ne sont pas équivalent. Le cadre dans lequel on place et articule l’Évangile est ce qui importe le plus, car celui-ci révèle Dieu lui-même ainsi que son intention pour ce monde.

Voici un schéma mettant en évidence les différences entre les deux approches. La question est la suivante : Laquelle s’accorde avec ce qu’affirment 1 Cor 15 et Actes ? Dans la dernière ligne, j’ai choisi d’utiliser le terme « Salut » contre « Royaume » afin de mettre en en exergue l’importance de la vie avec Jésus comme Roi, en contraste avec le salut personnel… mais j’affirme sans réserve que le Royaume implique une notion robuste du Salut. Mais je vais éviter cette discussion dans cet article. Je tiens à insister que l’Évangile sotérien a en ligne de mire le salut personnel, tandis que l’Évangile du Récit s’articule autour du royaume, tout en incluant le salut personnel et individuel. Ce n’est pas ce faux dilemme entre individuel et collectif, mais plutôt le choix entre individuel et individuel+collectif. La différence entre les deux est substantielle, je dirais même qu’elle change totalement la donne.

Comparez les deux. Saisissez-vous l’énorme différence ? L’un ne parle que du salut personnel tandis que l’autre me dit quelque chose à propos de ce Jésus qui (me) sauve.

Je suis convaincu que l’Évangile sotérien se focalise sur une seule clause de 1 Corinthiens 15 et articule la totalité de sa présentation à la lumière de cette seule clause.

Je vous ai transmis avant tout le message que j’avais moi aussi reçu: Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Ecritures; il a été enseveli et il est ressuscité le troisième jour, conformément aux Ecritures. Ensuite il est apparu à Céphas, puis aux douze.

Ce « pour nos péchés » est utilisé pour transformer le Récit à propos de Jésus en plan de salut personnel. Et donc…

Il est mort pour nos péchés, conformément aux Ecritures
il a été enseveli
il est ressuscité le troisième jour, conformément aux Ecritures
après cela, il est apparu…

… devient ainsi :

Dieu
L’homme pécheur
Christ le Sauveur
L’homme répond à l’appel par la foi et avec repentance.

Posons-nous la question : L’Évangile du Récit qui sauve est-il plus fidèle au NT que ne l’est l’Évangile sotérien ? Si c’est le cas, alors nous devons en tirer les conséquences, c’est cela « se réformer et se réformer sans cesse. » Nous pouvons commencer dès aujourd’hui.


Article source : https://www.patheos.com/blogs/jesuscreed/2011/10/04/the-gospel-today/

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